
Journal de bord
Festival d’Avignon, jour 12 : tout un poème
On n’entend pas la langue arabe ? On l’a tout de même entendue formidablement dans une «veillée» poétique plutôt que spectacle, hier soir, dans la cour du lycée Saint-Joseph, organisé par Julien Colardelle et Radhouane El Meddeb, avec le concours de l’Institut du monde arabe et du in. Urgence et calme, presque un oxymore, durant deux heures et demi où, «si la poésie ne protège pas des bombes», elle sauve l’intelligence et les émotions, rend plus vivants, nous fait découvrir nombre de poètes femmes et hommes de tout temps et tout lieu du monde arabe.
Qu’est-ce qui fait qu’un soir, un concert hommage à la grande chanteuse Oum Kalthoum dans la cour d’honneur du palais des Papes tourne en calamiteux fake son et lumière, avec ses projections rectangulaires d’images de muraille sur la grande muraille du palais, comme si notre rétroprojecteur était mal réglé, et que, le lendemain, cette soirée intitulée Nour, surgisse, essentielle ? On s’en veut de ne pas citer l’ensemble des intervenants, mais nommons quand même Emel Mathlouthi ou encore la poète palestinienne née en 1977 au Koweït, Jumana Mustafa.
Essentielle : peut-être d’abord parce qu’elle l’est pour les protagonistes, qui ne font pas leur show, et restent sur le plateau en s’accompagnant les uns les autres. La scène se scrute, se détaille, se découpe. Les feuilles volantes sont prises par le vent. Duo magnifique entre Rodolphe Burger et Mahdi Mansour sur un poème de Mahmoud Darwich. Prise de parole des organisateurs : «Et si la poésie, la musique, ne protègent pas des bombes, elles veillent. Elles permettent, comme le disait Darwich, “d’humaniser l’histoire”.» Une soirée de soutien à la Palestine dans le in plutôt qu’en périphérie ? C’était le bon endroit.
Les spectacles du jour
On aime
Prélude de Pan, de Clara Hédouin. Après Que ma joie demeure en 2023, la nouvelle pièce en déambulation de la metteuse en scène, qui change de décor scène après scène, mêle le superbe texte de Jean Giono publié en 1929 aux témoignages inquiets et anxieux d’agriculteurs locaux. Lire notre critique.
Jusqu’au 20 juillet à 18 h 30 à la plaine de l’Abbaye, à Villeneuve-lez-Avignon. Dans le cadre du festival Villeneuve en scène.
On court les voir dans le off
Album, de Lola Molina et Lélio Plotton. La pièce dresse le portrait grinçant d’un chanteur révolté par l’industrie musicale, incarné par le comédien impressionnant de justesse. Notre critique.
A La Manufacture, jusqu’au 22 juillet. Texte édité aux éditions Théâtrales.
L’ouvrir, de Morgan·e Janoir. Le metteur en scène raconte avec finesse, par la voix et le chant de Pauline Legoëdec, les hésitations qui précèdent le plongeon avant un coming out. Retrouver notre critique.
Au théâtre 11, Jusqu’au 24 juillet, à 11 h 45, Avignon, 11, boulevard Raspail (une heure).
Décoloniser le dancefloor, d’Habibitch. Porté par la danseuse et conférencière, le spectacle brasse tout le vocabulaire nécessaire à mettre en PLS n’importe quel élu en place tout en nous initiant à la résistance par la danse.
Jusqu’au 22 juillet au château de Saint-Chamand, navette 19 h 15, spectacle 19 h 40. Relâche le 17 juillet. Retour à Avignon 21 h 35 en navette.
Le billet
Mais pourquoi veut-on absolument entendre de l’arabe au festival d’Avignon ? Après l’anglais et l’espagnol, cette année, la langue arabe est l’invitée du festival. Petite réflexion sur nos attentes et nos fantasmes, et la manière dont les artistes du monde arabe invités lors de cette édition en jouent.
L’interview fournaise
Rachida Brakni. L’actrice et metteuse en scène, présente au Festival pour une lecture d’un texte inédit d’Assia Djebar, raconte ses débuts à la Comédie-Française et son rapport aux personnages qu’elle incarne. «Je rêve d’entrer dans le théâtre et de filer directement sur le plateau.»
Les coulisses
Aurélie Charon et son Radio Live. Dans trois spectacles au théâtre Benoît-XII, la productrice de France Culture donne la parole à des jeunes vivant dans des zones de conflits, en Syrie, à Gaza, en Bosnie, en Ukraine, au Liban ou au Rwanda. Elle raconte le long chemin, plusieurs années durant, qui a mené à ces performances et prévient : «Il faut se méfier de la revanche des enfants.»
Radio Live - Vivantes d’Aurélie Charon au théâtre Benoît-XII, 12 rue des Teinturiers, au Festival d’Avignon le samedi 19 juillet à 17 heures.
Radio Live - Nos vies à venir au théâtre Benoît-XII le mardi 15 et le dimanche 20 juillet à 17 heures.
Radio Live - Réuni·es au théâtre Benoît-XII le mercredi 16 et le lundi 21 juillet à 17 heures.
En direct
Une marche de soutien au journaliste sportif Christophe Gleizes, condamné le 29 juin à sept ans d’emprisonnement, a eu lieu ce mercredi 16 juillet au matin, à Avignon, pour rappeler que le «journalisme n’est pas un crime». Son frère Maxime, comédien, ainsi que Mortaza Behboudi, reporter franco-afghan arrêté en janvier 2023 à Kaboul alors qu’il réalisait un reportage sur le sort des étudiantes universitaires afghanes, étaient de la marche. Retrouver notre reportage.
Et dans les jours qui viennent ?
Ce jeudi 17 juillet, le solo chorégraphique Rinse créé par les Australiennes Amrita Hepi et Mish Grigor exploreront les premiers moments d’une histoire d’amour au gymnase du lycée Mistral. Puis Dida Nibagwire et Frédéric Fisbach adapteront dans le cloître des Célestins le roman de Gaël Faye, Petit Pays, dans Gahugu Gato.