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La réintroduction du grand tétras dans les Vosges approuvée pour de bon par la justice

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Le tribunal administratif de Nancy a validé sur le fond ce mardi 24 juin de nouveaux lâchers du plus gros oiseau sauvage d’Europe, malgré l’opposition des associations environnementales et un risque d’échec.
En 2022, il restait moins d'une dizaine de grands tétras dans les Vosges. (N. Novack/Bridgeman Images.AFP)
publié le 24 juin 2025 à 17h01

Le grand tétras peut reprendre son envol dans les Vosges. Le tribunal administratif de Nancy a approuvé ce mardi 24 juin la réintroduction dans les forêts vosgiennes de ce gros oiseau capturé en Norvège. Saisi par des associations de protection de l’environnement qui souhaitaient faire annuler l’arrêté préfectoral autorisant ces lâchers, le tribunal a rejeté leur demande sur le fond, après l’avoir récemment fait en urgence sur la forme, motivant que «l’introduction de spécimens norvégiens présente un intérêt général suffisant» car la «conservation de l’espèce dans le massif des Vosges est particulièrement critique».

Le plus gros oiseau sauvage d’Europe, également connu sous le nom de coq de bruyère, est en effet emblématique dans les Vosges, d’où il a pratiquement disparu.

Un arrêté préfectoral a autorisé un plan de réintroduction, attaqué dès 2024 par plusieurs associations. En plus de l’intérêt général lié à «la sauvegarde d’une espèce animale menacée d’extinction», la réintroduction «ne porte pas une atteinte excessive aux autres intérêts en présence», a estimé le tribunal après avoir examiné l’affaire au fond. À l’audience sur le fond le 3 juin, le rapporteur public s’était également prononcé dans le sens d’un maintien de l’arrêté pris par la préfète des Vosges. Deux référés examinés précédemment par le tribunal administratif de Nancy et visant à suspendre l’arrêté avaient aussi été rejetés par le juge.

Réintroduction «nuisible à l’espèce»

Pourquoi une telle opposition judiciaire de la part de protecteurs de l’environnement ? Cinq associations de défense de l’environnement et des oiseaux, dont SOS Massif des Vosges, critiquaient les effets de cette première année d’expérimentation «dérisoires, mais potentiellement nuisibles à l’espèce et à l’image des actions de protection de la biodiversité». Sur neuf oiseaux réintroduits au printemps 2024, seuls deux étaient encore en vie le mois dernier, les autres ayant semble-t-il été dévorés par des prédateurs. Et la dernière opération de capture en Norvège, au printemps, n’a permis le lâcher que de sept nouveaux individus, contre 40 à 50 espérés par le Parc naturel régional (PNR) des Ballons des Vosges.

Les requérants dénonçaient aussi un «dossier entaché d’insuffisances», qui ne donnait pas suffisamment d’informations au public sur le projet. Les associations estimaient que ce dernier «manquait de rigueur», ne prenait pas en considération le réchauffement climatique, ni les répercussions du tourisme sur les oiseaux réintroduits. Le Conseil scientifique du PNR des Ballons des Vosges avait lui aussi alerté sur «le risque d’échec très important» des réintroductions.

Du côté de la justice, le rapporteur public avait pointé des arguments qui «paraissent davantage révéler une contradiction de fond» sur le projet, mais pas une invalidité réglementaire. Le coût du projet, estimé à 230 000 euros par an, est aussi critiqué par les associations. Mais le tribunal a jugé que ce coût «ne paraît pas excessif au regard de l’objectif de sauvegarde» de l’espèce.

Partenariat international

Fin mai, la préfète des Vosges Valérie Michel-Moreaux avait déclaré à la presse que la réintroduction du grand tétras constituait un «enjeu fort», sa déclinaison dans les Vosges résultant d’une politique nationale. Elle avait souligné que «beaucoup d’énergie était mise» en œuvre en faveur de cette réintroduction.

Et ce, par-delà nos frontières. L’accord avec la Norvège permet la capture d’un maximum de 50 oiseaux par an, et de 200 sur cinq ans. Le pays nordique en compte 200 000. La France de son côté compte 4 500 individus, selon le site internet des Parcs nationaux, dont 90 % dans les Pyrénées et les autres dans les Cévennes et le Jura. Environ 250 grands tétras étaient recensés dans les Vosges en 1972, quand la population est tombée à «moins de 50 individus en 2019 et a été évaluée à moins d’une dizaine en 2022 dont deux coqs», rappelle le tribunal administratif dans sa décision.

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