Menu
Libération
Backlash écologique

L’Assemblée enterre les ZFE, «zones à faibles émissions»

Dans le cadre de l’examen du projet de loi de «simplification» de la vie économique, les députés ont voté, mercredi 28 mai, la suppression de ces outils de lutte contre la pollution de l’air qui restreignent la circulation de certains véhicules.
Un panneau indiquant une ZFE, le 21 mai 2025 près de Bordeaux. (Philippe Lopez/AFP)
publié le 29 mai 2025 à 7h56

Mercredi 28 mai restera comme une date symbolique du grand recul des politiques publiques écologiques, en cours depuis au moins un an dans le pays. Saisie du projet de loi de «simplification» de la vie économique, l’Assemblée nationale a acté dans la soirée la fin des zones à faibles émissions, les fameuses ZFE qui restreignent de facto la circulation de certains véhicules dans une poignée de grandes agglomérations pour lutter contre la pollution de l’air.

Introduite en commission à l’initiative des Républicains et du Rassemblement national dans un texte visant à l’origine à faciliter la vie des entrepreneurs, la suppression des ZFE a été adoptée par 98 voix contre 51, avec l’aide d’élus Modem et Horizons, de ceux de LFI et de quelques macronistes. Ecologistes et socialistes ont, en revanche, largement voté contre. Mais cela n’a pas suffi à sauver l’amendement de compromis déposé par le gouvernement, qui visait à conserver a minima les ZFE de Paris et de Lyon et à instaurer toute une batterie d’exceptions à la main des collectivités.

Un camouflet pour le gouvernement

Ce vote est un camouflet pour le gouvernement et surtout pour la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, qui bataillait en coulisses depuis des semaines pour convaincre son camp, centriste, de se mobiliser pour les ZFE. Isolée dans un gouvernement qui s’intéresse peu aux questions environnementales, elle avait notamment essayé de faire valoir que l’éviction des véhicules anciens et les plus émetteurs de polluants pouvait sauver des vies. «La pollution de l’air est à l’origine de près de 40 000 décès prématurés par an […]. Et les zones à faibles émissions ont contribué à baisser ces décès précoces», avait-elle ainsi défendu dans l’hémicycle.

Emblématique du premier quinquennat Macron

Initiées en 2019 pour limiter les émissions de particules fines, les ZFE étaient une mesure emblématique de la loi Climat et résilience du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, excluant de leur périmètre certains véhicules très anciens, identifiés par les vignettes Crit’Air 3 ou plus selon les villes.

Mais le dispositif, flou et inabouti, et la faiblesse des aides à l’achat de véhicules plus propres étaient critiqués de toutes parts. A l’Assemblée, nombre de députés ont argué qu’elles excluent des catégories de la population qui ne peuvent acheter des véhicules moins polluants.

«Tout le monde est pour améliorer la qualité de l’air. [Mais] nous pensons que ça ne peut pas se faire au prix de l’exclusion sociale», a soutenu dans l’hémicycle Ian Boucard (LR). Les ZFE «ne servent à rien», a tancé Pierre Meurin (RN) quand Sébastien Chenu, vice-président du RN, s’est félicité d’un «STOP» à un «symbole de l’exclusion sociale». Laurent Wauquiez, patron des députés LR, a, lui, applaudi un vote pour «libérer les Français».

LFI satisfait

Le groupe LFI, a salué une «victoire» contre «un dispositif injuste». «LFI a proposé dès 2022 un moratoire sur les ZFE. Il est urgent de planifier nos mobilités en mettant de réels moyens dans des alternatives en transports en commun.»

L’ancien ministre macroniste des Transports Clément Beaune, désormais Haut-Commissaire au plan, a en revanche déploré sur X une «triste semaine de démagogie anti-écolo», citant également une loi agricole visant entre autres à réintroduire certains néonicotinoïdes, et qui poursuit sa route au Parlement grâce à un coup tactique du bloc central lundi.

Mais la bataille des ZFE n’est peut-être pas finie, la mesure encourt un risque de censure au Conseil constitutionnel car il pourrait s’agir d’un cavalier législatif, éloigné sur le fond du texte initial. Le vote de mercredi soir devra être confirmé par celui sur le projet de loi, alors que les débats sur ce texte, morcelés depuis début avril, doivent reprendre mi-juin, avec 623 amendements à étudier.

Dans la même rubrique