Ce 31 mai, Libération et Paris-I-Panthéon-Sorbonne lancent «l’Université Libé». Une journée pour faire débattre les différents courants progressistes sur des sujets politiques structurants. En partenariat avec le Crédit coopératif, ESS France, Backseat, la Mutualité française et la Fondation Jean-Jaurès. Le débat «Faire de la politique : déboulez jeunesse !» réunissait Clémence Guetté, députée LFI-Nupes, Philippe Brun, député socialiste et apparentés-Nupes, Marie-Charlotte Garin, députée écologiste-Nupes, Léon Deffontaines, secrétaire général des jeunes communistes.
«Ce qu’on a vécu ce matin en commission, c’est le symptôme d’un vieux monde politique qui se meurt.» Le débat s’intitulait «Déboulez jeunesse» mais c’est surtout l’actualité politique qui a déboulé dans l’amphi Descartes de la Sorbonne en début d’après-midi mercredi 31 mai. A la tribune de l’université Libé, entourée de jeunes députés et responsables de gauche, la députée LFI-Nupes Clémence Guetté raconte le rebondissement de la matinée, du côté de l’Assemblée nationale. En commission des affaires sociales, députés macronistes et de droite ont torpillé – de concert – la proposition de loi Liot visant à abroger le report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans, sur laquelle les espoirs de la gauche et de l’intersyndicale reposaient.
L’occasion pour Guetté et ses camarades de dénoncer une Ve République arrivée à bout de souffle, utile aux macronistes pour imposer leur réforme alors qu’ils ne disposent pas de majorité absolue à l’Assemblée. «Ce système politique et la Constitution de la Ve République permettent une brutalité démocratique, qui engendre une défiance, et notamment chez les jeunes», tance la coprésidente de l’Institut La Boétie, l’université militante de LFI. «Ce qu’on a vu ce matin à l’Assemblée ça ne donne pas envie, ça donne plutôt envie de claquer la porte. Parce que tout est vérouillé et c’est dégoûtant», renchérit la députée écologiste du Rhône Marie-Charlotte Garin qui met en garde : «Si tous les dégoûtés partent, il ne reste que les dégoûtants.»
«Mélenchon, c’est un vieux sénateur ringard, et pourtant il a créé la Nupes»
«Il n’y a pas de vertu en soi de la jeunesse», insiste Clémence Guetté, même si elle salue l’engagement et l’élection de députés comme le jeune insoumis Louis Boyard, «qui bouleverse les codes de ce vieux monde préempté par des hommes vieux et blancs». La jeunesse n’est pas un vecteur magique de progressisme, embraie le député socialiste trentenaire Philippe Brun. «Jean-Luc Mélenchon, c’est un vieux sénateur blanc ringard et pourtant il a créé la Nupes et réancré le Parti socialiste à gauche», déroule l’élu de l’Eure. En face ? On a «Emmanuel Macron, jeune, stylé, mais qui applique le programme politique de Jacques Attali». «La vraie ringardise c’est celle qui est portée par un Gabriel Attal», l’un des plus jeunes ministres de la Ve République, pilonne le député. Une ringardise très dangereuse quand il s’agit du président du Rassemblement national, Jordan Bardella, complète le secrétaire général des Jeunes communistes, Léon Deffontaines.
Etre jeune en politique pèse quand même très lourd sur les épaules de celles et ceux qui s’engagent, souligne encore Marie-Charlotte Garin : «Je me pose bien plus de questions que mes collègues de 50 ans. Déjà qu’on ne me prend pas au sérieux parce que je suis jeune [la députée a 27 ans, ndlr], je fais beaucoup plus gaffe.»
Pour un «grand remplacement des énarques»
Faire gaffe, aussi, aux détails qui n’en sont pas. «Quand [les députés de droite] attaquent Louis Boyard parce qu’il porte des baskets, quand ils veulent imposer la cravate ou la veste de costume, ils mènent un combat symbolique pour fermer le monde politique», déroule Clémence Guetté. Un signal que «certains n’y auraient pas leur place», embraye Marie-Charlotte Garin, qui déplore des «codes» excluant les jeunes et les classes populaires.
«La politique devient une langue étrangère, et c’est contre cela qu’il faut lutter», enchaîne Léon Deffontaines. Pour cela, «il ne faut pas seulement inclure les jeunes de quartiers populaires et de lycées professionnels, il faut les faire monter en responsabilité, en leur donnant les clefs du jeu politique», tonne-t-il, en rappelant que «seuls quatre députés sont des ouvriers, quand il y en avait 50 dans les années 70». Il faudrait, sourit le député socialiste Philippe Brun, enclencher «le grand remplacement des énarques par des caissières, des aides soignants et des infirmières».